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  • Photo du rédacteurJérémie Coinon

Comment fédérer son équipe pour avancer ensemble vers un même objectif ?

Interview de Jean Baptiste Marinot - DGST de Bayonne




Jean Baptiste Marinot est aujourd’hui Directeur général des services techniques de la ville de Bayonne. En tant que responsable du patrimoine mobilier et immobilier de la ville, il gère une équipe d’environ 300 personnes.


Dans cette interview, Jean-Baptiste me partage sa vision de l’un des grands défis du leader : Comment rassembler des personnes au fonctionnement différent autour d’un objectif commun.


1 - Comprendre l’autre pour mieux le guider


"On a tous des conceptions de vies différentes, des façons de fonctionner propres et on est tous censé travailler ensemble autour d’un objectif commun. Le travail du manager, c’est de rendre compatible les motivations personnelles et l’objectif commun.”

Bien que nous soyons tous des humains, nos perceptions de la vie et nos comportements sont uniques. Nous le voyons tous les jours dans notre vie privée et professionnelle.


Chacun est sensible à des sujets différents, a une façon de s’exprimer qui lui est propre et une façon particulière d'interagir avec le monde. Certains seront plus extravertis tandis que d’autres seront plus introvertis. Les uns seront plutôt attentifs aux détails, les autres à l’ensemble. Pour certains, la procédure est prioritaire. Pour d’autres, c’est la vision qui importe le plus.


Toutes ces différences de perception du monde influent sur les comportements des uns et des autres. Il est possible d’appréhender ces différences à travers des modèles comme le DISC ou le test MBTI, mais il est important de se rappeler que chaque individu est unique et a son propre système de fonctionnement.


“La seule façon efficace de rassembler les gens autour d’un projet commun, c’est qu’ils se sentent considérés et écoutés. Pour cela, il faut les comprendre. ”

Comprendre l’autre implique de s’intéresser à l’autre. De prendre du temps pour découvrir ce qui anime les uns et les autres. Cela nécessite de prendre une posture d’écoute et de questionnement qui mettra l’agent dans un cadre de confiance. Cela prend du temps et n’est pas inné.


Dans bon nombre d'organisations, le système hiérarchique “à l’ancienne” à tendance à rendre difficile l’écoute entre le manager et ses collègues. Certains cadres formés à l’école traditionnelle ont du mal à concevoir cette façon de faire plus orientée sur l’écoute et la compréhension.

“Souvent les schémas du travail se nourrissent des situations individuelles des cadres dans leur vie privée. Ainsi le cadre d’un certain âge qui a dédié sa vie au boulot dans un contexte où le conjoint (souvent la conjointe) ne travaillait pas a du mal à comprendre le fonctionnement des nouvelles générations.
C’est le challenge des managers d’aujourd’hui : passer d’un système de hiérarchie autoritaire avec un système d’information descendant à celui d’une coopération avec une information qui circule dans tous les sens.”

Comprendre l’autre est l’un des piliers du leadership. Cela demande de changer son approche en tant que manager et de développer ses compétences de compréhension.


“Tout l’enjeu, c’est de trouver l’équilibre entre comprendre la psychologie de l’autre pour pouvoir l’aider, sans tomber dans la posture du psychologue ou de l’ami qui prend tout le poids du monde sur ses épaules. Il faut savoir être empathique au bon niveau.”

De l’autre côté de l’excès d’autorité se trouve l’excès d’empathie. Lorsque le manager ne trouve pas l’équilibre, il risque de verser dans une relation “d'ami qui écoute” et prend le risque d’être submergé par la charge émotionnelle des problèmes des uns et des autres.

Il convient de faire la distinction entre ce que j’appelle empathie mouillée et empathie sèche.


L’empathie mouillée, c’est lorsque vous vivez et ressentez ce que l’autre ressent. Vous vivez “en associé” les problèmes, les malheurs ou les joies des autres. Tant qu’il s’agit d’émotions positives cela ne pose pas de problème, mais dès qu’un problème survient, l’empathie mouillée devient un fardeau pour le manager.


L’empathie sèche, c’est lorsque vous comprenez ce que l’autre vit sans en être affecté. Vous vous êtes “dissocié” de la situation et gardez un recul sur les choses. Cette empathie sèche est celle qui permet au leader de comprendre et d’accompagner ses collaborateurs vers une solution.



L’empathie sèche n’est pas innée. Elle s’apprend et se développe comme toute autre compétence.


" A partir de là, on peut observer les caractéristiques de chacun, qu’on peut également appeler forces et faiblesses. L’objectif est de leur permettre d’évoluer dans un environnement où leurs forces seront mises en avant et où ils pourront grandir tout en contribuant à l’objectif.
Si on reste dans un schéma où l’on met en avant les défauts, la personne se sent en danger, non reconnue et non considérée. Elle n’aura pas l’énergie et l’envie de contribuer à la réussite du projet. Si elle se sent écoutée et comprise, elle déploiera toutes ses ressources au service du projet. “




2 - Trouver le temps de développer sa compréhension et son écoute




"Je crois qu’il est important de trouver du temps pour développer ce travail plus fondamental de relation avec les équipes. Aujourd’hui, l’enjeu n°1 du manager est la gestion de son temps. Il peut vite se retrouver surchargé par l’amoncellement des tâches urgentes qui lui incombent.
Mais s’il néglige le temps consacré à l’écoute et à la cohésion de ses équipes, il ne travaille pas sur les fondations. Il aura tendance à prendre de la distance avec ses équipes qui seront moins réactives et responsables et se retrouvera dans une situation ou il doit prendre plus de décisions, plus contrôler et avoir encore moins de temps pour faire le travail d’écoute et de rassemblement. C’est un cercle vicieux qui s’installe.”


L’allocation du temps qui nous est imparti ne dépend que d’une personne : nous même. En tant que dirigeant, on peut rapidement se laisser submerger par les urgences qui arrivent les unes après les autres et en oublier ce qui est important et non urgent.


Encore une fois, la seule façon de faire changer les choses est de décider de changer ses priorités et de dédier un temps spécifique au travail de cohésion et de compréhension.

Cela demande de la force et du courage car cette décision va à l’encontre de notre fonctionnement inconscient.


Nous avons naturellement besoin de nous sentir utiles et importants dans nos tâches pour y donner du sens. La gestion des urgences est une occasion parfaite pour “cocher les cases” et sentir qu’on avance, qu’on est important.


Je me rappelle encore mes périodes d’étudiant où lorsqu’il était temps d’aller réviser, j’avais une soudaine envie de passer l'aspirateur. Pourquoi ? Non pas que je sois un fan de l’aspirateur, mais plutôt parce que l'exécution d’une tâche que l’on définit comme urgente nous apporte un sentiment d’accomplissement et de satisfaction. “Je l’ai fait !”


Le problème, c’est que la gestion de l'urgence n’apporte pas de solutions. Elle ne fait que régler les problèmes. C’est souvent de l’intervention “en catastrophe” là où une réflexion plus profonde et plus en amont aurait permis d’éviter cette catastrophe.

Pourtant tout manager le sait : lorsqu'une équipe est soudée, qu’elle a l’habitude de communiquer et que la subsidiarité fait partie de ses valeurs, le manager se retrouve libéré d’une grande partie du poids de l'urgence. Il peut alors consacrer plus de temps à la vision et à son rôle de catalyseur d’équipe.


Cela demande de repenser l’allocation de son temps pour laisser plus de place à “l’important non urgent”, tout en créant les conditions pour mieux répartir au sein de son équipe la gestion de “l’important urgent”.



3 - Travailler pour eux et travailler ensemble


“J’ai remarqué que la majeure partie des conflits structurels ou d’organisation était souvent dû à un problème de partage de l’information. Lorsque les gens n’ont pas appris à travailler ensemble, ils ne savent pas échanger les informations.
Avec le temps, les gens se font des idées des autres services et les équipes finissent par se cloisonner et créer des ruptures. Lorsqu’on arrive à mettre les gens ensemble et à discuter et partager, les liens se recréent et les solutions arrivent d'elles-mêmes."




Il y a encore quelques années, la possession d'information était synonyme de pouvoir. Celui qui savait était celui qui dirigeait. Cette période qui a duré quelques milliers d’années a favorisé l’émergence d’un management “de l’expert ou du sachant” où l’autorité était dans les mains de celui qui détenait l'information. Partager l’information, c’était perdre une partie de son pouvoir.


Aujourd’hui nous disposons de l’information universelle au bout de nos doigts. L’information n’a plus de pouvoir propre, c’est la façon dont on crée à partir de cette information qui est puissante. Pour autant, certaines organisations ont encore du mal à effectuer ce changement de paradigme. Cela se retrouve dans le fonctionnement entre équipes.


“J’ai l’exemple d’un conflit assez compliqué entre deux services d’une ville pour laquelle je travaillais. Les deux services travaillaient sur le même sujet avec une approche différente et cela créait de la tension. Un jour, ça a explosé. Les deux équipes avaient pris des décisions différentes pour répondre à un même problème et ça a clashé.
Pour désamorcer la situation, j’ai fait deux choses : Dans un premier temps j’ai rassemblé tout le monde lors d’une réunion pour que chacun explique ce qu’il fait, comment il fait et pour trouver des façons d’agir communes. Puis j’ai procédé à la fusion des deux services pour harmoniser l’action. En développant la coopération le problème s’est résolu.”

A la différence du manager qui applique des processus, le leader est là pour impulser la dynamique qu’il veut voir grandir.. Après quelques millénaires de conflit pour s’approprier l’information, travailler ensemble et trouver des points communs n’est pas inné dans les équipes. C’est le rôle du leader d’impulser cette nouvelle manière de faire.


L’avènement des activités de Team-building montre bien l’importance de cette coopération. Mais attention, payer un weekend d'aventure ou de construction Lego à vos équipes ne résoudra pas le problème si vous ne travaillez pas sur une composante essentielle au préalable : votre posture.


Avant toute chose, c’est l’attitude du leader vis-à-vis du travail en coopération et du partage d'information qui déterminera la façon dont se comporteront les équipes. C’est passer du “Faites ce que je dis” au “Faites ce que je fais”. Les outils viendront en support à cette attitude.


"Ce que j’ai appris du rugby, c’est que le capitaine n’est pas forcément le meilleur, le plus rapide ou le plus fort. Ce qui fait la force d’un capitaine d’équipe, c’est qu’il est là pour ses gars”

Apprendre à ses équipes à jouer la clé de la communication et de l’entraide, c’est d’abord se positionner comme celui qui montre l’exemple. C’est faire sentir à chacun que l’information est partagée et transparente. Cela nécessite de revoir soi-même ses croyances et ses comportements vis-à-vis de l’entraide et la coopération.


"J'ai un directeur qui m’a fortement inspiré. A chaque fois qu’il était avec ses équipes, il ne parlait qu’au NOUS. Que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises, c’était NOUS.
Nous avons réussi ou nous avons merdé. Jamais il n’utilisait le “je” ou le “vous”. Même lorsqu’il réussissait quelque chose seul, il disait à son équipe : “nous avons réussi ça”. Aujourd’hui je m’inspire de ça.”

Favoriser la cohésion et le travail ensemble, c’est d’abord créer un esprit de groupe, un sentiment d’appartenance. Le temps où le directeur se tenait seul, loin au-dessus d’une équipe qui travaille sous ses ordres, est révolu.


Aujourd’hui, le leader est passé du “mon équipe” au “notre équipe”. Il fait partie intégrante du groupe et y apporte ses compétences et ses missions. En décidant de se positionner de la sorte (et c’est une décision qu’il prend), le leader renvoie l’image du collectif plus important que l’individuel.





4 - Incarnez le changement que vous voulez voir dans ce monde


Faire travailler ensemble des individus différents nécessite de repenser la posture du leader.


Aujourd’hui, l’écoute et la compréhension de l’autre sont le socle incontournable de la création d’une confiance mutuelle et d’un désir de travailler ensemble. Comprendre les différences et les motivations de chacun sans tomber dans l’empathie mouillée demande au leader de développer ses savoirs faire et savoirs être en matière de communication.


Cette base de compréhension mutuelle doit être le point de départ d’une vision plus collaborative du travail où chacun partage les informations pour travailler ensemble. Le leader a ici bien plus qu’un rôle de donneur d’ordres. Il doit être le modèle de cette co-élévation et le catalyseur d’une équipe soudée et confiante.


En décidant de prendre le temps de comprendre l’autre, de partager l’information de manière transparente et de favoriser les comportements de co-élévation, le leader favorise l’émergence d’une équipe plus résiliente et adaptable, capable d’évoluer plus rapidement dans l’incertitude grandissante du monde d’aujourd’hui.


#Elevateleaderstogether

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